J’accuse

Encore un film historique à critiquer : décidément, il faut que je me plaigne plus souvent ! J’accuse est pourtant plus complexe à traiter que les précédents à cause notamment de toute la polémique qui entoure son réalisateur, Roman Polanski. Je respecte totalement les personnes qui ont choisi de boycotter le film, tout comme celles qui ont eu envie de le découvrir. Pour ma part, je vais juste donner mon avis sur ce long-métrage en tant que tel, en ne prenant pas en compte le contexte de sortie et le vécu de son réalisateur. Je préfère laisser cette deuxième analyse, sans doute pertinente, à ceux qui maitrisent le sujet bien mieux que moi.

J’accuse s’intéresse à l’une des plus célèbres affaires politiques et juridiques françaises : l’affaire Dreyfus. En 1894, le capitaine Alfred Dreyfus, d’origine juive, est soupçonné d’avoir livré des informations secrètes à l’Allemagne. Accusé de trahison, il est condamné au bagne à perpétuité et envoyé sur l’île du Diable. De son côté, le colonel Picquart, fraichement nommé chef du contre-espionnage, réalise que les preuves contre Dreyfus ne sont pas fiables et va tenter de prouver l’innocence du capitaine.

Avoir choisi le point de vue de Picquart est probablement l’un des gros points forts de ce film. Bien qu’il connaisse personnellement Dreyfus, Picquart se range dans un premier temps du côté de l’armée et des renseignements qui accusent le capitaine. Mais petit à petit, ses propres recherches l’amènent à découvrir des éléments-clés qui révèlent la véritable identité du traitre. Les supérieurs de Picquart font pourtant la sourde oreille et le colonel se retrouve lui-même accusé de torts qu’il n’a pas commis. Tel une véritable enquête policière, le film représente bien la complexité de cette affaire et la manière dont on essaie de l’étouffer.

Malgré l’intérêt indéniable du scénario, le long-métrage ne bénéficie pas d’un rythme adéquat qui permettrait une attention constante. Il y a une sorte de fausse cadence qui rend l’ensemble très plat et la mise en scène n’aide pas vraiment. Les décors et les costumes ont beau être soignés, il manque peut-être une touche de modernité dans la réalisation qui aurait permis d’atténuer le côté très austère du film. Ce dernier dépassant aussi les deux heures, certains choix de montage (on s’attarde sur des détails et d’autres moments plus importants ne sont pas approfondis) ne paraissent pas entièrement appropriés.

Cette absence d’énergie se ressent également dans le phrasé des comédiens qui parlent constamment sur le même ton et qui ont parfois l’air de réciter leur texte comme au théâtre au lieu de l’incarner. Jean Dujardin est sans doute celui qui s’en sort le mieux et porte véritablement le film sur ses épaules. A l’inverse, la prestation d’Emmanuelle Seigner, tout comme l’intrigue qui tourne autour de son personnage, ne restera vraisemblablement pas dans les annales (j’avoue que j’ai beaucoup de peine avec cette actrice qui, pour moi, surjoue constamment). Louis Garrel, qui incarne Dreyfus, n’a volontairement pas assez de matériel à se mettre sous la dent pour livrer une interprétation extraordinaire.

Pouvant compter sur un scénario captivant et sur un Jean Dujardin en forme, J’accuse a au moins le mérite de proposer une approche intéressante de l’affaire Dreyfus, à défaut de livrer un film sensationnel sur le plan formel.

 

+ : le scénario

 : le rythme

LA scène : le premier échange entre Dreyfus et Picquart

  • Note : 2,75 / 5

 

La bande-annonce :

4 commentaires

  1. Pas convaincue donc ?
    C’est intéressant ce que tu notes sur la tonalité très neutre de l’ensemble du film. C’est justement une des caractéristiques des films de Polanski relevée par Walter Murch (grand ingénieur du son à qui on doit le mixage de « Apocalypse Now » entre autres). Il s’est amusé un jour à mesurer dans la salle le son de « Frantic » , et il découvre assez stupéfait que le son est assez plat, avec des variations sonores très réduites. C’est le cas de la grande majorité des films de Polanski en réalité, partie intégrante de sa signature, qui peut rappeler d’ailleurs étrangement son propre ton de voix.
    « J’accuse » s’inscrit donc dans cette lignée. Cela ne fait pas pour autant un grand film je te l’accorde. Et pourtant, à mes yeux, il l’est à bien des endroits. 😉

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    1. Merci pour l’anecdote étonnante et intéressante. J’avoue que je ne connais pas assez bien le cinéma de Polanski pour pouvoir dire qu’il s’agit d’une des caractéristiques de ses films.
      Je crois que c’est vraiment ce faux rythme et ce côté plan-plan qui m’a dérangée car, comme je l’ai dit, j’ai trouvé le scénario plutôt bon. Peut-être qu’avec plus d’énergie et des acteurs un peu moins théâtraux, l’effet aurait été bien différent.

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  2. Je l’ai vu jeudi et j’ai beaucoup aimé. C’est vrai que la seconde partie souffre de quelques longueurs mais j’ai trouvé les acteurs parfaits (surtout Dujardin d’un charisme assez rare dans le cinéma français actuel). C’est la quintessence du cinéma de Polanski jusque dans ses tics que tu relèves très bien d’ailleurs. Pas un chef d’œuvre à la hauteur du « Le pianiste » mais un très beau film quand même. La scène d’ouverture m’a touché. Excellent weekend à toi 🙂

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  3. J’accuse à le mérite de mettre en lumière l’Affaire Dreyfus, une histoire d’espionnage et de contre espionnage assez compliqué, dans laquelle la Grande Muette n’est pas exempte de toutes critiques.

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